J’ai écrit ce texte en pensant aux gens qui se sont inquiétés pour moi ces derniers temps à cause d’une humeur plutôt maussade, voire dépressive. J’avais envie qu’ils comprennent pourquoi et, en même temps, les rassurer que je vais mieux maintenant. Je ne vous cacherai pas que l’écriture de ce texte m’a permis de passer à autre chose. Je publie cet article comme un nouveau Psybonheurs parce qu’il m’a permis de retrouver ce petit bonheur de tous les jours que j’étais en train de perdre.
La peur
Sans elle, pas de survie. La peur est là pour nous avertir des réels dangers qui nous guettent et nous permettre d’ajuster nos comportements en conséquence. C’est comme une alarme à incendie : ça sauve des vies. Toutefois, l’alarme sonne aussi pour des toasts brulés. Il faut alors sortir son linge à vaisselle et le secouer en l’air pour dissiper la fumée et sauver nos tympans. C’est extrêmement désagréable, mais si simple à régler. Quand j’ai peur, je cherche toujours à voir d’où vient la fumée. Ou bien, je cherche l’ours! Pourquoi l’ours? Parce qu’il n’y a qu’une seule raison de me sentir aussi apeuré : mon corps se prépare à survivre à un ours. Pour cela, il doit pouvoir courir ou se battre. Les muscles doivent s’alimenter d’urgence en énergie, d’où l’augmentation des rythmes cardiaque et respiratoire.
Quand mon alarme sonne, je me pose toujours la même question : où est l’ours ? Parce que, sans ours, je n’ai aucune raison d’avoir peur. S’il n’y a pas d’ours, je calme mon corps, je fais tournoyer mon linge à vaisselle en lui rappelant que c’est une fausse alerte et qu’il n’y a pas de réel danger. Avec de la pratique, et quelques autres stratégies, ça finit par bien marcher, je vous le promets ! (Pour aller plus loin, voir mes textes sur l’anxiété.)
J’étais Zen avant l’arrivée de DARTH COVID. En quelques jours, il a fait exploser mon alarme en libérant une meute d’ours. Pas moyen d’aller prendre du soleil, faire son marché, ou naviguer sur internet sans tomber sur un ours. J’ai pleuré pendant des jours. Moi qui ai l'habitude de soutenir la détresse des autres, j’étais complètement submergé. Et le manque d’informations pertinentes m’empêchait de répondre raisonnablement à ma question. Je voyais des ours partout !
En mode survie, j’ai utilisé une stratégie de base : l’évitement. C’est facile : la meilleure façon d’échapper à un ours, c’est d’éviter d’en rencontrer un. Le confinement a été une bénédiction. Je me sentais tellement mieux que je souhaitais qu’il perdure. Faut dire que le style de vie recommandé par nos gouvernements me convient très bien encore aujourd’hui : télétravail, cocooning, horaire flexible, temps pour faire les choses que j’aime vraiment comme bécoter ma femme, dessiner, écrire, réfléchir, créer, rester « en mou » toute la journée, regarder des séries télé, entretenir mon site internet, m’initier au Taï Chi, essayer de refaire pousser ma salade, concocter de nouvelles recettes, etc. Je suis tellement bien dans mon bunker ! Faut dire que je n’y suis pas tout seul, heureusement. Parce que le seul bémol à tous ces petits bonheurs du confinement, c’est la distance d’avec les autres personnes que j’aime (surtout mon fils !).
C’est très difficile d’aller contre sa propre nature. J’aime toucher les gens, les prendre dans mes bras, les serrer très fort. J’arrive à faire la paix avec cette distanciation sociale seulement parce que je ne pourrais pas vivre avec ma peine d’être responsable des troubles de santé d’un proche. Je n’ai pas envie de rendre les autres malades et ça, quant à moi, ce n’est pas juste de la peur. C’est un sentiment humain de me sentir responsable de mon impact sur les autres. On dit que la différence entre se laisser guider par une peur déraisonnable ou se laisser guider par une prudence raisonnable est une question de probabilité. Et pour l’instant, comme au début de la crise, les stats ne m’ont pas encore convaincu de baisser ma garde (du moins, pas tant que ça !).
Dernièrement, après 60 jours de confinement, j’ai eu une remontée spectaculaire de mon anxiété. Je me sentais exactement comme M. Psytami (voir ma BD). Pourquoi ? Parce que les ours étaient de retour. À force de lire sur le web, j’ai été envahi par la peur des autres, autant par celle de ceux qui ont peur du dé-confinement que par celle de ceux qui ont peur de la poursuite du confinement. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, aucun des deux groupes n’a le monopole de la peur. Et je n’inclus même pas là-dedans un troisième groupe d’anxieux : ceux qui se laissent influencer – comme des moutons, pour reprendre leurs propres mots agaçants – par les théories conspirationnistes et qui nous traitent de moutons apeurés si on ose suivre les recommandations du gouvernement. Allant même à comparer la limitation de nos droits et libertés vécue actuellement au Québec à celle vécue par les Juifs pendant la deuxième guerre mondiale – réussissant par le fait même à m’exaspérer au plus haut point et à faire une nouvelle démonstration du point Godwin. Ils ne réalisent même pas à quel point ils véhiculent les peurs les plus irrationnelles qui soient à travers leurs scénarios farfelus.
Tout le monde semblait avoir peur. Peu importe notre point de vue sur la situation, dans tous nos commentaires, j’y lisais de la peur. Une peur qu’on tente de calmer avec soit une pensée rationnelle réfléchie, soit un je-m’en-foutisme consternant, soit des revendications au nom de la liberté ou de la responsabilité… On cite les stats qui nous plaisent et les chercheurs qui valident nos idées. Tout ça pour nous faire croire qu’il y a, ou non, un ours au coin de la rue, ou que nous détenons LA solution. Et le gouvernement se comporte exactement comme nous. Il a autant peur du confinement que du dé-confinement. Faut se rappeler que derrière un politicien, il y a un humain, avec les mêmes forces et faiblesses que nous dans la gestion de la peur. C’est pour cela que je ne suis pas à l’aise de les blâmer pour leurs décisions. Hélas, derrière chaque politicien, il y a aussi un politicien qui a peur de ne pas être réélu. C’est dommage, mais c’est comme ça ! Faut faire avec – et j’essayerai de m’en souvenir aux prochaines élections. Difficile de dire quelle peur motive le plus leurs décisions, mais il ne faut pas se leurrer, il fallait qu’ils aient sacrément peur pour mettre l’économie en péril de cette manière. Nous allons devoir composer avec leurs cafouillages, parce qu’ils ne sont pas plus doués que nous pour gérer leur peur.
J’ai tenté d’exprimer dernièrement cette peine, ce malaise que je ressentais devant tous ces propos générés par la peur. Ce qui entraîna davantage de débat teinté de peur. J’ai donc réduit mon exposition aux médias sociaux et masqué certains amis pour 30 jours pour éviter le pire (encore une fois, l’évitement, ça aide, temporairement, même si ça ne règle pas les problèmes d’anxiété, loin de là !). Puis, j’ai cherché à me comprendre, en me demandant ce qui m’affectait vraiment dans tout ça.
Superman
Pour me sentir moins mal, j’ai dû accepter mes sentiments d’impuissance. À vous lire, à sentir vos peurs, votre détresse, je me suis mis à me sentir impuissant, impuissant à vous soulager. Comme si j’étais responsable de votre douleur. Comme si je devais être le super-héros qui vous aiderait à vous sentir mieux, comme si je devais être votre sauveur ! Le complexe de Superman – ça aussi ça inspire M. Psytami de ce temps-ci.
Je me suis laissé prendre par ce désir impossible : soulager tout le monde. Tu en veux au gouvernement pour son confinement exagéré ? Écoute moi je vais te dire ce qu’il faut pour que tu te sentes mieux avec ça. Tu as peur d’attraper la COVID à cause du 5G ? Viens, je vais t’expliquer comment ça n’a aucun rapport. Tu me traites de mouton parce que je respecte aveuglément les consignes du gouvernement ? Viens, je vais te démontrer combien je suis loin d’être aveugle et comment gérer ta colère autrement qu’en la déversant sur les autres, parce que je pense que ça te ferait du bien. Tu es scandalisé par la danse ou par les excuses d’Horacio ? Je vais te montrer comment faire la part des choses, parce que ce sera beaucoup plus sain pour ta santé mentale et la mienne !
« À grand pouvoir, grande responsabilité ! » comme disait mon ami PSYderman. Si je détiens le pouvoir du gros bon sens psychologique, je me dois de sauver tous ceux qui sont en pleine distorsion cognitive pour échapper à leur propre peur. Mais voilà, je le sais depuis toujours pourtant, je n’ai pas ce pouvoir. Mais DARTH COVID, mon ratoureux ennemi, a presque réussi à me le faire croire.
Je ne suis pas un super-héros. Je suis simplement un humain empathique qui rêve d’un monde plein de compassion et de bienveillance. Et qui a oublié, l’espace d’un moment, à travers toutes nos peurs mutuelles, que la bienveillance est truffée de bonnes intentions et qu’elle n’a aucun sens si on oublie d’en avoir pour soi. Je vous souhaite à tous de retrouver cette capacité humaine : la bienveillance pour soi. Je pense qu’on en a tous besoin présentement; je ne suis pas le seul à m’être fait avoir par DARTH COVID !
La bienveillance pour soi
L’ACT utilise une belle métaphore pour parler d’auto-compassion et de bienveillance pour soi. Celle de la maman chat et de ses chatons. Que fait principalement la maman pour ses chatons ? Elle les nourrit et les lèche. Ou bien, elle les lèche et les nourrit. Et que fait-elle quand un de ses petits, plus intrépide que les autres, s’éloigne d’elle ? Elle attend calmement. Jusqu’à ce qu’elle entende ses cris, quelques minutes plus tard, parce qu’il s’est empêtré dans les stores. Et que fait-elle alors ? Elle va le chercher, le ramène auprès des autres, puis, elle le nourrit et le lèche. Elle ne fait pas de sermon à son chaton pour être sûre qu’il ne recommencera pas. Elle ne le gronde pas, n’essaie pas de l’éduquer ou de lui faire peur avec ses grandes connaissances de la vie. Elle le nourrit et le lèche, tout simplement.
Imaginons maintenant, que nous sommes tous des mamans chats et que nous consacrons notre temps à nourrir et à lécher nos chatons. Et finalement, imaginons que nous sommes aussi un chaton. C’est ça l’auto-bienveillance. Prendre soin de soi et s’aimer tout simplement. Arrêter de se juger inutilement et de se critiquer parce qu’on n’arrive pas à sauver le monde. Où tenter de sauver le monde en espérant après coup, que le monde nous aime.
En ce moment, nous sommes entourés de super-héros en lutte contre DARTH COVID (ou d’autres super-vilains du jour comme The Swamp Reform Barrette, OMenS-5G, ou le terrible Horacio Dance-Floor). J’espère qu’ils découvriront bientôt les bienfaits de l’auto-bienveillance.
J’espère qu’ils prendront le temps, comme Superman – et comme moi maintenant, de s’étendre au pied du « Pommier de Bienveillance » (ma plus récente création).
Je réalise aujourd’hui comment cette bienveillance pour moi m’a permis de me calmer. C’est seulement en étant moins exigeant envers moi-même et en prenant soin de moi que j’ai pu remettre en pratique les stratégies qui me permettent une vie plus zen malgré la pandémie et tout ce qui en découle.
Ça peut paraître drôle de vous parler de bienveillance envers soi-même alors qu’on peut avoir l’impression que les gens manque de civisme ou de bienveillance envers les autres de ce temps-ci. Je pense que c’est une illusion provoquée par nos grands miroirs : les médias, sociaux ou conventionnels. Parce qu’il y a un grand contraste entre les nouvelles qui circulent et les personnes que je croise sur la rue. La majorité des gens sont bienveillants envers les autres, mais ils font moins la une que certains colons du Costco ou les Trolls d’internet. Et je suis persuadé que la majorité des gens bienveillants ont besoin de se faire dire d’être bienveillants envers eux-mêmes.
Merci à vous, super-héros de l’heure, je vous admire pour tout ce que vous faites, mais de grâce, n’oubliez pas de penser à vous.
Bienveillance à tous !