Pourquoi me faire vacciner ?

Pourquoi me faire vacciner ?

Je suis toujours fasciné de voir combien certaines choses ne changent pas. J’aurais pu écrire ce texte en 2020, pourtant je l’ai fait en 2009. On parlait de la vaccination contre la H1N1 et cela avait provoqué les mêmes peurs et interrogations qu’avec la COVID-19, 10 ans plus tard.

Et les réseaux sociaux étaient déjà saturés par la propagande haineuse qui transformait des questionnements légitimes en de véritables théories du complot ou en des revendications anti-conspirationnistes. Et je me sentais déjà déçu, frustré ou blessé de me faire traiter de mouton par un petit groupe de lemmings.

Pourquoi intégrer ce texte à mes psybonheurs ? Parce que c’est assez drôle, dans ce contexte, de regarder des moutons et des lemmings faire des joutes médiévales (Fig. 1). Plus sérieusement, parce que ça me fait du bien de le relire avec un peu de perspective et l’écho du temps. Parce que ça me rappelle comment il est important de suivre sa propre voie malgré la prise de position des autres, au risque de passer pour un mouton ou un lemming.

Le 4 avril 2024.


Pourquoi me faire vacciner ?

(texte publié sur mon blog Paroles de Psy, samedi le 24 octobre 2009).

Je me pose la question depuis longtemps déjà, – depuis  qu’on parle de pandémie – avec le premier réflexe de dire non à la vaccination. Pourquoi non ? Pour être honnête, je pense que c’est par rébellion. Quand tout le monde semble pousser pour que j’aille dans une seule direction, j’ai tendance à résister. Surtout si ce « tout le monde » suit les recommandations d’une autorité quelconque, surtout celles des médecins et du gouvernement, encore plus celles des compagnies pharmaceutiques. Je résiste aux pressions sociales, comme celles que je vois dans les yeux de mon voisin quand il reluque mon gazon.

Je me suis dit que tous les biens pensants de ce monde étaient encore en train de nous faire peur avec des riens, de provoquer une phobie collective, une peur irrationnelle « pandémique ». Et mon premier remède contre la peur déraisonnable, en fidèle comportementaliste cognitiviste, c’est l’exposition (si je crains d’attraper la grippe, je m’expose à la grippe et prouve que je n’avais pas raison d’avoir peur). Je me suis dit – et je le pense encore – que tous les adeptes du Purell sont une « gagne » d’anxieux obsessifs-compulsifs aux prises avec une paranoïa collective qu’il faudrait soignée en priorité au lieu de dépenser l’argent des contribuables pour remplir les poches de la petite mafia de la santé.

Puis j’ai aussi réalisé que je craignais d’être vacciné. Comme plusieurs, j’ai peur d’être le « chanceux » à qui le vaccin fera plus de mal que de bien. Pourtant cette peur était plutôt déraisonnable : la loi de la probabilité nous l’indique clairement – si vous ne le croyez pas, c’est que vous êtes probablement de nature anxieuse, ce qui vous fait confondre « possibilité » et « probabilité ». Et au lieu de m'exposer, c'est-à-dire d’affronter ma peur en décidant de me faire vacciner, j’ai résisté en essayant de me convaincre que cette peur était totalement justifiée.

C’est donc armé de mon opposition à l’autorité et de ma conviction que le vaccin représente un danger bien réel que j’ai entrepris de suivre le débat d’un peu plus prêt (journaux, télé, web…).

Et c’est là que je suis tombé sur le discours décrivant la grande conspiration mondiale… Wow ! Moi qui se pensait parano ! Un peu plus et les extra-terrestres sont impliqués – jusqu’aux oreilles de Spock – pour faire de nous des mutants en vue d’une opération de métissage trans-humanitaire associée à leur prochaine invasion.

Ça m’a permis de réaliser que je me retrouvais devant un autre groupe de biens pensants – faut le dire vite – qui cherchait, avec la même conviction – et peut-être les mêmes objectifs mercantiles – à me pousser dans une autre direction. Et encore une fois, j’ai eu envie de résister… de me rebeller contre la non-vaccination.

Y a vraiment des moments où s’opposer pour s’opposer, ou s’exposer pour s’exposer, ne mène nulle part. J’ai donc essayé de faire appel à mon gros bon sens pour faire face à ce dilemme. Qu’est-ce que je gagne et qu’est-ce que je perds à me faire vacciner ou à ne pas me faire vacciner ? Conclusion de mes réflexions : le vaccin peut me permettre d’échapper à la grippe H1N1, donc de ne pas être malade comme un chien pendant des mois. Au mieux, le prendre me donne une forte probabilité de ne pas être malade ; au pire il existe une possibilité que le vaccin me rende malade. Mais ne pas le prendre provoque seulement : une forte probabilité d’être malade. Parce que, même si je ne suis pas dans la catégorie « risque élevé », je côtoie des gens tous les jours dans mon travail et dans mes loisirs – et j’aime particulièrement embrasser mes p’tit.e.s copains.copines.

Mais ce qui m’a fait changer d’idée finalement, c’est la perspective de faire du mal à mes proches – qui en passant, étant donné que « qui s’assemble se ressemble », sont aussi rebelles que moi. Parmi eux, il y en a plusieurs qui sont à risque élevé. Ma femme et mon fils, par exemple, sont dans cette catégorie. Et si je peux leur éviter d’être malade, je vais le faire. Et parmi les autres amis qui me sont cher, j’ignore qui d’entre eux sont à risques ou qui d’entre eux fréquentent des gens à risques.

Je vais écouter MA propre petite voix intérieure et suivre MA propre petite voie extérieure, celles de MON GROS BON SENS. Je vais me faire vacciner pour éviter de contaminer mes proches, mes amis, mes clients et mon public. Je pourrais ainsi rester fidèle à ma réputation du plus grand « postillonneur » (je suis en nomination à la soirée des Caf’arts – les Oscar du Café-Théâtre de Chambly) sans provoquer de pandémie… ou de paranoïa collective ! Tant pis si le consortium pharmaceutique en profite un peu (me rendre malade les aurait avantagés aussi de toute façon) ou que les extra-terrestres fomentent leur invasion – moi je sais, de toute façon, en grand adepte de X-Files, qu’elle est commencée depuis fort longtemps. 

Par contre, je vais continuer à emmerder mon voisin avec mon gazon trop long, mes jolis pissenlits et autres merveilles de la nature. 

Faut choisir ses batailles !


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Notes, références et légendes des figures (numérotées de haut en bas)

Fig.1 : Image extraite de Joutes Moutons, l’épisode 62 de la saison 3 (2021), de la série Grizzy & les lemmings1. Disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=GXHFRzJBB5A

1 : Grizzy & les lemmings est une série d'animation créée par Josselin Charier et Antoine Rodelet, produite par Hari, en France, diffusée depuis 2016.

 

     

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