Le plaisir de la maîtrise

Je dédie ce psybonheur à mon vieil ami de badminton, Marcel Prince qui nous a quitté il y a un an. Chaque fois que je repense à lui, je nous revois sur le terrain de badminton de l’Agence spatiale canadienne où ma femme et lui travaillaient, nous donnant la chance de jouer au badminton une fois par semaine pendant plusieurs années.

C’est en cela que c’est un psybonheur, ce texte qui, tout comme Marcel, me replonge dans tous les plaisirs associés à ces moments magiques, notamment celui du plaisir de la maîtrise. C’est la quatrième fois que je le publie sur internet.

José, 22 février 2024.

Je viens d’apprendre la mort d’un vieil ami : Marcel. Ça me secoue de voir partir quelqu’un de ma génération. Même si je l’avais perdu de vue depuis plusieurs années, j’ai un pincement au cœur. Et je sympathise avec ses proches et tous ceux qui l’ont côtoyé beaucoup plus que moi.

Je suis tombé dernièrement sur un vieux texte qui m’a fait penser à lui, la première fois où je l’ai battu au badminton (voir ci-dessous). C’était grandiose parce que c’était tellement rare (une seule fois par année après cette première victoire).
Merci Marcel pour tous ces moments agréables sur le terrain et en dehors. Sois patient, parce que dans plusieurs (dizaines) d’années, je serai dû pour de nouveaux matchs amicaux.

José, 10 février 2023 (Facebook).

 

Le fait de maîtriser (notre corps, notre art, notre communication, etc.) pour atteindre nos buts dans la vie, pour nous dépasser, me semble bien à propos dans ce mois où je monte sur scène à douze reprises et où je dois maîtriser mon texte, mes déplacements, mon jeu, mes émotions, etc. Et ça semble fonctionner, cette maîtrise de soi est gage du plaisir de réussir.

Mais ce n’est pas de ce jeu dont je veux vous parler, c’est du badminton. J’ai lancé de gros défis à certains d’entre vous un jour, en disant que je pouvais vous battre n’importe quand, avec toute l’arrogance de Cyrano… et j’y crois ! En fait, je trouve ça amusant de vous provoquer ainsi, et je suis sûr que ça va donner des rencontres intéressantes.

J’ai fait ça avec mon fils, toute sa vie. Dans n’importe quel jeu, cartes, échec, Nintendo, je ne l’ai jamais laissé gagner. Il en a probablement pleurer un bon coup quand il était gamin. Et regardez ce qu’il est devenu : quelqu’un qui n’abandonne pas et qui est fier de ses réussites. C’est parce que je ne le laissais pas tomber. Je le rassurais en lui disant qu’un jour il allait me battre. Je l’encourageais à chaque rencontre. L’important, c’est de ne pas se défiler, de continuer à jouer avec son enfant même (surtout) quand il commence à être bon. Et accepter de se battre jusqu’au bout, même quand finalement, c’est lui qui gagne à tout coup. C’est ce qui m’est arrivé avec le Nintendo et autres jeux vidéo, il me déclasse complètement.

Au badminton, c’est autre chose. Malgré sa jeunesse, sa vigueur, son expérience du jeu de plus en plus grande, il ne me bat qu’une fois par année environ, et on joue toutes les fins de semaine. La dernière fois, vous auriez dû voir l’étincelle dans ses yeux au point de match. La fierté, la joie, le plaisir de la maîtrise !

Ça m’a fait penser à un texte que j’ai écrit sur un autre blog, et j’ai décidé de le glisser sur celui-ci. J’y parle de mon propre combat pour gagner au badminton. En tous cas, j’espère que ça va vous donner le goût de venir essayer de me planter.

José, 18 juin 2008.

 

 

Je suis fier de moi ! Imaginez-vous 300 livres de muscles (mmm...) en train de courir après un petit volant de badminton. Je le fais toutes les fins de semaines depuis plus de 5 mois environ. J'adore le badminton et, depuis toujours, je me suis habitué à la victoire (personne – que je connaissais – n'était de taille – croyez-moi, la taille ça me connaît), jusqu'au jour où un certain M (vaut mieux taire son nom pour l'instant) s'est joint à nous pour nos compétitions amicales – faut le dire vite – hebdomadaires.

Ce fut désastreux ! Pour mon petit orgueil. Pendant un peu plus d'un mois – peut-être même deux, allez soyons honnête – je suis allé de défaites en défaites, promenant mon âme en peine et ma carcasse endolori d'un bout à l'autre du terrain avec un balancement significatif de la tête de gauche à droite indiquant à quel point je n'y comprenais plus rien.

J'ai essayé une ou deux fois de le vaincre en simple face à face – faut le dire vite ça aussi car c'est loin d'être simple – mais ça ne faisait que m'humilier. Je me consolais en faisant des simples avec d'autres membres de ma famille (mon fils ou mon beau-neveu – quo i? C'est vrai qu'il est beau !) mais la victoire avait un goût trop commun (facile et sans saveur). Je me suis aussi contenté de victoire plus ou moins facile en double en me jumelant à l'autre meilleur joueur de la bande (mon fils !) et en jumelant M à un handicap de la bande (je ne nommerai personne).

Comme vous voyez, tous mes subterfuges n'ont pas donné grand-chose, ils ne pouvaient cacher à personne qu'une victoire contre le Prince du badminton ne semblait pas du tout à ma portée. Je m'étais même dis que je réussirais à le planter seulement si je perdais 200 livres et qu'il tombait malade.

Mais malgré tout, je n'ai pas réellement abandonné. J'ai décidé de persévérer quitte à être humilié une coup’ de fois – j'ai insisté la semaine dernière pour faire un dernier match avec lui à la fin de nos deux heures de jeu, match que j'ai perdu 11 à 0, il me semble.

Et finalement – roulement de tambour – j'y suis arrivé ! J'ai gagné 15 à 8 dans un simple avec M, l'ex-prince du badminton ! Imaginez ma joie... J'ai envie de le crier sur tous les toits, de me promener sur la rue avec des affiches géantes aux slogans révélateurs : « Détrônement du Prince du badminton ! Le Roi du volant reprend son envol ! » On devrait en faire une manchette sportive dans les journaux ou les bulletins télévisés. Mais je vais me contenter d'un message sur mon blog en espérant que la nouvelle se disperse un peu. Si j'ai le temps, ça ira même sur un de mes sites qui vise un plus large public.

Tout ça pour vous dire que la victoire est tellement belle pour celui qui sait persévérer. Il a fallu que je sois patient aussi. Tout au long du match, il faut savoir attendre, ne pas se précipiter sur tout ce qui vol, profiter des erreurs de l'autre, garder son souffle, prendre son temps avant de faire son service, briser le rythme de l'autre sans briser le sien. Il n'y a rien de facile à gagner dans de telles conditions. Et le tout était plaisant. On a fait des échanges plus longs que d'habitude – j'avais de la difficulté à toucher au volant ou à rendre ses services il y a une semaine – et des coups remarquables – à deux poils de la ligne ou du filet.

Le plaisir est une drôle de chose. Souvent, on l'associe à un laissé aller caractéristique, comme lorsqu'on rit, qu'on mange ou qu'on jouit, mais il se vit aussi dans le contrôle de soi, la maîtrise de soi, chose qu'on a tendance à oublier.

Le 10 juin 2006 restera gravé dans ma mémoire parce que cette victoire inespérée fut pour moi un véritable orgasme de plaisir et une ode à la maîtrise de soi. Merci M pour m'avoir permis une telle apothéose de bonheur. J'espère pouvoir le renouveler, un jour – quoique j'ai bien l'impression que ce genre d'expérience paroxystique va devenir contagieux dans les semaines qui viennent. Car si d'autres amateurs de la bande jouent le jeu du plaisir de la maîtrise, c'est eux qui savoureront leur victoire comme jamais...

Et je serai heureux d'avoir fait grandir leur plaisir !

José, 11 juin 2006.

 

 

    

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