Comment traite-t-on les différentes problématiques relié à l'anxiété ? C'est la question à laquelle je vais tenter de répondre dans cette nouvelle série de textes. Essentiellement, nous pouvons agir sur trois facteurs importants : le corps, l'esprit et le comportement.
Le corps
Il existe plusieurs façon d'agir sur notre corps, ou plus précisément sur les symptômes physiques de l'anxiété. Comme les manifestations de l'anxiété peuvent être nombreuses (muscle tendu, rythme cardiaque qui s'accélère, respiration difficile, etc.), il n'est pas étonnant de constater une toute aussi grande variété de moyen d'intervention (relaxation diaphragmatique, respiration profonde, massage, yoga, sports, biofeedback, relaxation progressive de Jacobson, visualisation, hypnose, etc.) que je devrais élaborer davantage dans de futurs textes.
L'esprit.
Si vous avez lu les autres textes sur l'anxiété, vous avez probablement commencé à changer votre façon de penser par rapport à l'anxiété, il est même possible que certains d'entre vous ce soit déjà senti moins anxieux et plus heureux par la suite. Donner de l'information ou un rationnel pertinent font partie des premières méthodes d'intervention de type cognitive c'est-à-dire qui s'attaque aux pensées négatives, distorsions cognitives ou idées déraisonnables qui ont tendance à maintenir des sensations, des attitudes et des comportements qui encourage Mme Anxiété à se développer et à devenir de plus en plus difficile à vivre. Il y a aussi plusieurs autres techniques que je devrais aborder en détail dans de futurs textes.
Le comportement
Et oui, nous pouvons modifier nos comportements de façon à sortir du cycle infernal anxiété-évitement-anxiété... Comme je l'ai déjà dit, il est clair que l'évitement des situations qui nous font peur ou qui provoquent une montée d'anxiété, contribue à faire en sorte que la prochaine fois, cette même situation provoquera encore plus d'anxiété. La meilleure façon que nous avons de stopper définitivement cette montée de l'anxiété chaque fois que nous rencontrons un stimulus anxiogène (ce qui nous fait peur : une araignée dans la phobie simple, les conversations dans la phobie sociale, les lieux publics dans l'agoraphobie, etc.), c'est de confronter ce stimulus le plus souvent et le plus longtemps possible sans l'éviter ou tenter d'y échapper. C'est ce qu'on appelle s'exposer à nos peur, et quand je parle d'auto-exposition, je prétends que nous pouvons nous-même nous exposer à nos peurs. Comment peut-on faire cela ? C'est ce que je veux aborder dans cette nouvelle série de textes.
Vraie peur ou fausse peur ? Là est la question !
Évidemment, il serait totalement ridicule de s'exposer à une vraie peur, c'est-à-dire une peur qui est raisonnable : comme de marcher au milieu des voies rapides pour combattre ma peur des accidents, de sauter sans parachute pour vaincre ma peur des hauteurs, de mettre le feu chez moi pour me débarrasser de mon inquiétude par rapport aux incendies. Éviter de telles situations tiens du gros bon sens parce que, vous l'avez deviné, ce sont des peurs raisonnables. On peut y faire quelque chose pour éviter de courir un réel danger : demeurer dans sa voiture sur l'autoroute, vérifier le bon fonctionnement du parachute, ne pas jouer avec des allumettes et changer les piles de mon avertisseur – tiens, le revoilà celui-là !
Être prudent est sage. Et la sagesse est une vertu. Le meilleur comportement à adopter face à nos peur est celui qui nous semble le plus raisonnable. Par exemple, je dois éviter de jouer avec une tarentule si je me trouve en pleine forêt équatorial car il est raisonnable d'avoir peur de se faire piquer alors qu'il n'est plus normal d'avoir des symptômes anxieux ou de me sauver en criant, si je rencontre une tarentule à l'animalerie du coin car il est raisonnable de croire qu'elle n'est plus vénéneuse. Évidemment, nous pouvons toujours nous rassuré en questionnant le vendeur. Comme vous voyez, ce n'est pas de la prudence que nous devons chercher à nous débarrasser, mais plutôt de nos réactions et de nos comportements excessifs, ceux-là même que nous jugeons nous-même – avouez-le ! – d'excessif !
Habituellement, nous sommes capables de reconnaître nos peurs excessives ou déraisonnables : ce sont celles qui nous empêchent de faire quelque chose qu'on aimerait bien faire mais qu'il nous paraît impossible sans aucune raison logique...
Connaissez-vous la grande différence ?
Quand nous vivons une vraie peur, déclenchée par un danger réel (quelque chose qui peut vraiment nous faire du mal comme : affronter un ours, piloter un avion, se mêler à une bataille, sauter en parachute), le niveau d'anxiété va se maintenir tant que nous ne nous sentirons pas hors de danger (quand l'ours sera mort ou loin, l'avion sera piloté par un vrai pilote ou posé à bon port, le conflit sera réglé, le parachute se sera ouvert ou que mes pieds auront touché le sol). Le maintien du niveau élevé d'anxiété dépendra du temps qu'on mettra pour remédier au problème et les moyens dont nous disposons pour le faire.
Quand nous vivons une fausse peur déclenchée par un danger irréel (quelque chose qui ne peut pas nous faire du mal comme : l'ours en cage, la tarentule de l'animalerie, etc.) ou déraisonnable (quelque chose dont la probabilité de nous faire du mal nous apparaît supérieur à la réalité à cause de nos idées déraisonnables comme : faire un discours devant 200 personnes, allez dans un centre d'achat bourré de monde, rester au haut d'une échelle, etc.), le niveau d'anxiété va s'éteindre de lui-même, au bout de quelques minutes ou de quelques heures à demeurer dans la même situation, simplement parce que vous allez finir par réaliser qu'il n'y a pas de réel danger. Le maintien du niveau élevé d'anxiété dépendra du temps dont mettra votre esprit (votre tête, votre conscience, votre inconscience, votre corps ou même votre âme...) à réaliser qu'il n'y a pas de danger réel ou de catastrophe qui se déclenche quand je me maintiens dans une situation qui ne comporte pas de danger réel.
Vous en doutez ! C'est probablement parce que vous n'avez jamais essayé. Vous utilisez sûrement un moyen efficace contre certain danger réel : la fuite. Moyen qui, face à une peur déraisonnable contribue à maintenir celle-ci. L'évitement, comme je l'ai déjà dis, procure un soulagement temporaire, jusqu'à la prochaine exposition à votre peur. Si vous pensez que vous avez réglé votre problème c'est probablement seulement parce que vous avez mis en place une panoplie de comportement et d'attitude qui vous permettent d'éviter vos peurs déraisonnables. Quelqu'un m'a déjà tenu le discours suivant : « Je ne fais pas d'agoraphobie, je ne suis simplement pas très sociable, je préfère dépenser mon argent en louant des vidéo plutôt que d'aller au cinéma, j'adore faire la cuisine moi-même, c'est bien meilleur qu'au restaurant ! » Ses trucs ont fonctionné jusqu'à ce que sa blonde exige d'être accompagnée. Il a dû venir consulter pour apprendre à affronter ses peurs déraisonnables, c'était sa seule issue : l'exposition aux stimuli anxiogènes.
Programme d'exposition
La TCC parle aussi de désensibilisation systématique quand l'exposition se fait graduellement (en commençant par les stimuli les moins anxiogènes) et de l'immersion quand elle se fait de façon plus brutale (en commençant par l'un des plus anxiogène).
Le programme d'auto-exposition que je vous suggère constitue un compromis entre les deux autres méthodes, en ce sens que vous êtes le maître à bord et que vous pouvez choisir par quoi commencer. Personnellement, je suggère souvent de commencer par les situations intermédiaires (celles qui correspondent à un niveau d'anxiété moyen-élevé : 5 ou 6 sur une échelle de 10). Il s’inspire librement d’un vieux programme de la Clinique de thérapie behaviorale du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (1987), lui-même une adaptation française de Y.-J. Lavallée du programme de Marks (1978 : Living with Fear. New York: McGraw-Hill, pp. 243-266.).
José St-Louis, M.Ps.
AVERTISSEMENT: À qui s'adresse l' Auto-exposition ?
Le programme que je vous propose va vous aider à gérer vous-même votre traitement. Les recherches démontrent que de nombreux patients peuvent apprendre à diminuer leur anxiété eux-même en s’exposant volontairement aux situations qui provoquent leur anxiété. C’est ce qu’on appelle l’auto-exposition. Même si le principe est simple, il n’est pas facile d’application, car pour apprendre, il faut faire des exercices réguliers et soutenus. Faut souffrir pour être belle. J’espère juste que vous ne souffrirez pas trop, et que vous arriverez quand même à une belle réussite. Comme toute tâche d’auto-apprentissage, l’auto-exposition doit être planifiée avec soins pour en arriver à un maximum d’efficacité.
Point important avant de faire un programme d’auto-exposition
Avant de vous engager dans ce programme vous devez d’abord vous demander si la thérapie de type comportemental (et plus précisément la technique d’auto-exposition) est susceptible de vous aider correctement. En effet, les programmes de «self-managment» (autogéré) valent surtout la peine d’être considéré lorsque :
- Le problème n'est pas trop grave (par exemple quand vous arrivez déjà par vous-même à gérer votre anxiété dans certaines situations et que vous voulez généraliser vos succès à d’autres situations).
- Il est difficile pour vous de faire une psychothérapie individuelle (parce qu’il n’y a pas de psychologues disponibles ou parce que vos finances ne vous le permettent pas pour l’instant).
- Lorsque vous avez besoin de voir ce que vous pouvez faire par vous-même.
Par contre, ce ne sont pas tous les problèmes qui peuvent répondre à ce traitement, et même s'ils le peuvent, certaines conditions sont nécessaires pour augmenter les chances de succès. Avant de vous engager dans des exercices qui n'en vaudraient pas la peine à la fin, passez à travers les 5 questions suivantes :
1) Êtes-vous déprimé(e) au point de penser sérieusement au suicide ?
Si Oui : Consultez un médecin et un psychologue pour demander de l'aide. Une dépression grave vous empêchera probablement de réaliser ce programme et de sérieuses idées suicidaires commandent un traitement médical rapide, qui peut être très efficace. Ne passez pas à la question 2.
Si Non : Passez à la question 2.
2) Prenez-vous souvent de l’alcool ou des drogues au point de vous enivrer, et/ou des médicaments contre l’anxiété en quantité élevée ?
Si Oui : Vous devez soit diminuer à moins de trois consommations par jour, soit consulter votre médecin pour réduire votre posologie des médicaments avant de commencer. Le programme est susceptible d'échouer si vous êtes sous l'effet de l'alcool ou des médicaments durant vos exercices d'apprentissage. Ne passez pas à la question 3 si vous ne pouvez modifier votre consommation.
Si Non : Passez à la question 3.
3) Un médecin a-t-il diagnostiqué une maladie physique telle que trouble cardiaque, asthme, ulcère peptique ou colite ?
Si Oui ou incertain : Demandez à votre médecin si une crise de panique peut compliquer votre condition. S'il croit que toute anxiété peut vous être dommageable, le traitement d'exposition n'est pas indiqué. Ne passez pas à la question 4. S'il ne le croit pas, passez à la question 4. S'il croit qu'il n'y a pas de problème à supporter une anxiété moyenne, vous pouvez appliquer le traitement d'exposition, mais lentement. Vous-en souvenir lorsque vous faites vos exercices d'exposition. Passez à la question 4.
Si Non : Passez à la question 4.
4) Est-ce que votre anxiété est déclenchée spécifiquement par des situations, des gens ou des objets ?
Répondez Oui, si votre anxiété se manifeste quand vous êtes confronté à des stimuli particuliers: dans des occasions particulières, par exemple des magasins bondés, le fait d'avoir les mains sales, les sorties seul à l'extérieur, les chiens, les relations sexuelles, la rencontre de personnes en autorité, etc. Répondez Non, si vous ne pouvez pas identifier de stimuli qui déclenchent à plusieurs reprises votre anxiété.
Si Oui : L'anxiété reliée à des situations spécifiques peut être traitée par ce programme d’exposition. Vous pouvez passer à la question 5.
Si Non : Le traitement d'exposition n'est pas indiqué. Par contre, d’autres programmes, en groupe ou en psychothérapie individuelle pourraient vous aider à faire face à votre anxiété. Ne passez pas à la question 5.
5) Est-ce que les stimuli anxiogènes (qui provoquent de l'anxiété) sont associé à un traumatisme que vous avez vécu (accident, agression, etc.) ?
Si Oui ou incertain: Il serait important d'être bien accompagné pour faire une désensibilisation. Il se peut aussi que d'autres traitements soient nécessaire avant d'entreprendre une désensibilisation. Par exemple, si vous souffrez d'un État de Stress Post-Traumatique (ÉSPT), il peut être important de passer par d'autres étapes avant celle de la désensibilisation. Parlez-en à un psychologue ou un médecin avant de commencer une désensibilisation. Ne passez pas à la question 6 avant cette vérification.
Si Non : Passez à la question 6.
6) Finalement, après avoir lu tout ce document de présentation (et les autres textes sur l'anxiété), demandez-vous si vous avez encore le goût de vous engager dans ce programme d’auto-exposition ?
Si Oui : Commencez par la première étape (décrite dans le prochain texte).
Si Non ou Incertain : Avant de commencer ou de rejeter cette opportunité de régler votre problème, une rencontre individuelle avec un psychologue pourrait probablement vous aider à y voir claire.
José St-Louis, M.Ps.
Fait suite à : Anxiété -5: Choisir consciemment une réponse à l'anxiété.
À suivre bientôt
J'espère que cette série de textes sur Mme Anxiété vous a aidé (et vous aidera de nouveau) à franchir les trois premières étapes du changement (conscientiser, comprendre, choisir un sens). De prochains articles traiteront bientôt de différents membres de la famille de Mme Anxiété : phobie, agoraphobie, panique, stress, inquiétude, obsession, etc. Le but de ceux-ci sera de vous aider à faire des choix d'action dans des contextes particuliers et par conséquent vous amener à construire des outils (habiletés, manières de faire, etc.) vous permettant de répondre de façon plus adaptée et plus satisfaisante à vos différentes peurs.