Après une brève réflexion sur les dortoirs mixtes, cet extrait aborde le départ des enfants du nid familial. Tiré de If life is a bowl of cherries - What am I doing in the pits? par Erma Bombeck (Ballantine Books, June 1983; Fawcett Crest , April 1979).
Il n’existe pas une mère vivante qui n’ait pas vécu la terreur et l’angoisse du « Syndrome du nid vide »
Ça a été long à démarrer. Premièrement, il a fallu faire lever l’enfant de son lit et le faire entrer dans un champ de travail.
Pour des enfants qui sont les plus éduqués, cultivés, informés du monde, leur attitude vis-à-vis le travail est incroyable. Mis à part le rameur sur une galère d’esclaves dont le capitaine veut faire du ski nautique, la personne la plus à plaindre sur la surface de la terre est l’adolescent qui vient juste d’obtenir son premier emploi à plein temps.
Personne ne souffre plus que lui ni n’est moins apprécié.
Mon fils se considère comme « un sacrifice humain sur l’autel de l’Église du Conformisme »Il avait bien quinze ans avant qu’on ne puisse employer le mot « emploi » devant lui. Ce terme lui donnait de l’urticaire et il préférait qu’on l’épelle. La manière dont il nous l’a expliqué, la veille de son mariage à un chèque de paie, « C’est un exercice de persécution collective, n’est-ce pas? Vous êtes tous passés par-là et maintenant, pour devenir adulte, il faut que je prouve que je peux supporter le supplice du 9-à-5, c’est ça? Ok, vous avez gagné. S’il faut que je prouve que je suis mature, je l’aurai le foutu e-m-p-l-o-i… eeemmmm… eeemmmppp… empppllloi! »
Peut-être que plusieurs d’entre vous connaissent mon fils… ou au moins en ont déjà entendu parler.
C’est le seul employé qui doit travailler toute la journée et ensuite rentrer à la maison et se nourrir.
C’est le seul adolescent dévoué d’Amérique du Nord qui travaille quand sa « gang » va faire du rafting sur la rivière un mercredi après-midi.
C’est la première personne qui ait jamais eu la moitié de son chèque de paie retenu pour des services qu’il n’a jamais demandés (impôts, assurance-maladie, pension de vieillesse, etc.). Comme il le dit : « Quelqu’un va en entendre parler. »
Il se tient isolé comme le seul travailleur à être dominé par un patron sénile (trente-cinq ans) qui s’adonne à de la torture professionnelle en insistant qu’il arrive à l’heure le matin et après le dîner.
Il est le seul employé à plein temps du pays qui n’ait pas gagné le respect de sa famille et de son entourage pour sa contribution au travail.
Samedi dernier, je lui ai tapé sur l’épaule : « Hé, Georges Vilain! Saute du lit. C’est déjà l’aube de midi. »
Mon fils s’est retourné. « Je ne peux pas croire que ça arrive à une personne qui travaille » dit-il. « Toute la semaine, je travaille cinq jours/semaine, huit heures par jour et qu’est-ce que j’ai en retour? »
« Tu as tous tes repas servis comme un pacha, le ménage dans ta chambre, ton linge lavé et repassé et une vieille servante de la famille… moi! »
Quelque chose me dit que j’aurai le premier enfant à prendre sa retraite trois ans avant qu’il n’ait quelque chose de quoi se retirer.
Une fois que l’emploi est atteint par contre, vous êtes pour la première fois de votre vie….. seule enfin. La structure familiale telle que vous la connaissiez ne sera plus jamais la même.
Vous êtes passée à travers les dents branlantes, les vélos volés, l’enseignement d’équipe, les lits à étages, les pratiques de sport, les G.I. Joe, les cours de conduite, les portefeuilles perdus, les devoirs du dimanche soir et les Doobie Brothers.
Arrivent le fauteuil à bascule et le téléphone… la scène du nid vide commence.
Alors que je marchais dans la chambre vide de mon fils, j’avais l’impression d’être dans un temple.
Tout était intact, comme il l’avait laissé. J’ai caressé le verre à sorbet avec pouding fossilisé sous son lit… passé mes doigts tendrement sur son tambour qui laissait échappé de l’huile sur le tapis… et pleuré doucement en esquivant les monticules de caleçons sales qui ne lui faisaient plus.
J’ai fait des plans pour conserver sa chambre comme un musée où j’irais me recueillir au plus chaud de la journée et où je ressasserais le passé.
Puis, un jour alors que je méditais, j’ai remarqué qu’il avait tout un mur avec rien dessus. J’ai donc déménagé l’orgue du couloir dans sa chambre. En remarquant que la lumière était bonne dans sa chambre, j’ai aussi découvert que si je déplaçais sa batterie et que je la rangeais, je pouvais mettre ma machine à coudre dans le coin ainsi qu’une table de coupe.
Comme on faisait ces changements, mon mari a remarqué qu’il y avait toute une garde-robe libre alors pourquoi ne pas y transférer son linge? En jetant cinq ans de magazines "Sports Illustrated" que mon fils avait gardés, on a trouvé de la place pour les décorations de Noël et les cartons de chèques cancellés.
De plus en plus, les membres de la famille ont commencé à visiter le « Temple ». C’est devenu un refuge pour l’équipement de camping, les tableaux en attente d’un cadre, un entrepôt pour les meubles de patio et les journaux à recycler.
L’étagère de trophées de tennis a laissé la place à une réserve de bouteilles d’eau de Javel pour un projet des femmes de l’église. La commode a été remplacée par mon vélo d’exercice et le lit a été sorti de la pièce pour faire de la place à une chaise berçante et une télé.
Naturellement, les murs étaient trop masculins pour la pièce alors on les a peints en jaune et on a recouvert la berçante en rose brillant et orange.
Juste avant Noël, quelqu’un a toqué à la porte. C’était notre fils qui venait à la maison pour une visite.
« Hé! Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus » dit mon mari. « Ben dis donc. Combien de temps peux-tu rester? Merveilleux. On a encore le vieux divan-lit au sous-sol et tu peux y rester aussi longtemps que tu voudras. »
Ce matin, mon mari a dit : « Combien de temps ta parenté va rester? »
« Ma parenté! » j’ai répondu. « Je croyais que c’était LA TIENNE. »
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